Comment je peux être juste dans mes jugements ?

Dans le Tantra, comme dans la plupart des voies spirituelles, le non-jugement est valorisé voire requis : est posée la nécessité de sortir de la dualité et donc de la binarité, de la croyance qu’il y a clivage bien/mal.

Un joli principe bien loin de la tendance naturelle de notre cerveau, pour notre préservation. En effet, naturellement, notre première réaction est le jugement : dangereux ou pas dangereux, agréable ou désagréable, joli ou moche, piquant ou doux…

A quoi bon lutter contre la nature atavique de l’animal humain ? A mon sens, le chemin de libération (de nos compulsions, attirances, répulsions, désirs qui ratent leur cible…) passe par la simple et totale acceptation. Et l’acceptation vient aussi de la conscience portée à ce qu’est notre base, sans la juger ni la valoriser ni s’y identifier ni l’exclure… Avoir l’humilité d’être simplement avec ce qui se manifeste, c’est une forme de soumission au Divin, et déjà l’observer c’est une façon d’être au-delà de cela : l’observateur.trice est au-dessus, plus subtil.e que ce qui est observé.

Cela fonctionne si c’est en pratiquant l’observation selon les critères qui en font justement de l’observation (et non du jugement ou autre forme de projection de l’ego). Voici les critères de l’observation de soi définit par Idris Lahore :

  • sans critique ni jugement
  • sans honte ni culpabilité
  • sans analyser sur le moment
  • sans s’identifier à ce qui est observé
  • sans vouloir changer ce qui est observé
  • précisément
  • avec tous les sens et les perceptions extra-sensorielles
  • le plus souvent possible

Je vois la compulsion au jugement comme une tendance humaine liée aux formes les plus denses de notre identité, à des qualités spécifiques à l’expérience de l’incarnation humaine, à des parts de nous qui se sentent mortellement vulnérables et vibrent à de basses fréquences. Probablement très en lien avec l’ego en fait, car très tôt le petit humain se rend compte du caractère éphémère de sa forme, de sa vie… et se manifeste alors la peur profonde de la perte, du changement, de l’inconnu…

Comment l’humain.e peut-iel en sortir ? En prenant conscience qu’il n’est pas que son corps, en se reliant à son âme, à l’Esprit, à Dieu ou à tout autre aspect de Plus Grand, de ce qui lui survivra.

Et si je ne juge pas, que se passe-t-il ?

C’est vertigineux ! Si Tout Est, à tous les niveaux, sans ordre/classement dans ma psyché, c’est une toute autre perception qui s’ouvre à moi : celle de la Toile du Vivant, du Tissage (une traduction du mot sanscrit Tantra), des liens subtils dans l’Infini Présent (il n’y a plus non plus de passé ni de futur : Tout Est)…

Il n’y a plus de résistance à ce qui est ni à ce qui se manifeste… et qui n’est que ce que je peux percevoir selon mon état d’être, en fonction du plan où je me place, sur lequel je vibre… et qui est en relation directe avec ce que j’ai à voir en miroir, en moi-même.

D’où l’importance d’oeuvrer sur la maîtrise (et non le contrôle, qui est illusoire et rigidifiant) de mon monde intérieur, de mes pensées, et donc aussi de mes cellules et leur interrelation. Car ce sont mes intrants (impressions matérielles et immatérielles : toutes mes nourritures) et comment ils sont traités (plus ou moins consciemment)… qui créent mes extrants (ce qui sort de moi : comment sont et résonnent mes corps énergétiques, aux niveaux physique, émotionnel, sentimental, psychique, spirituel, karmique…)

Et donc j’en reviens au jugement, ce point d’attention particulière.

Comprendre qu’en Tantra, rien n’est bon ni mauvais en soi : c’est plutôt ce que ça génère qui mérite d’être traité/soigné, et de là des choix peuvent être éventuellement faits pour davantage de fluidité, de joie, de tenségrité, de communion avec l’Un…

C’est comme lors d’une pratique tantrique : en fait tout peut être considéré comme une pratique (et bonne pratique), pour peu que l’être et la relation en soient nourris, honorés, enseignés, satisfaits… Et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas forcément que la pratique est mauvaise, mais plutôt que l’être a besoin d’autre chose à ce moment, d’un accompagnement plus personnel, lié à ce dont l’individu a besoin à ce moment.

Juger n’est pas véritablement un problème : le problème c’est de croire en son jugement, voire de considérer qu’il doit donner lieu à une sanction.

Là en effet on sort de l’esprit du Tantra : Namasté, le salut indien, induit simplement que le divin est en chacun.e.

Si je juge, j’ai raison certainement (et j’ai de bonnes raisons, n’est-ce pas ?), mais certainement aussi j’ai raison sur certains plans seulement. La Vérité est bien plus vaste. Et l’Autre est un miroir, un enseignant, un partenaire… que j’en ai conscience ou pas. Qu’est-ce que je refuse/nie/rejette de moi en souhaitant saquer l’autre ? Le malheur de l’autre guérira-t-il vraiment mon propre malheur ?

C’est pour cela que j’appelle le Tantra « Voie de l’Amour » : c’est un magnifique chemin de Conscience par le partage, l’altérité, la joie d’être au monde avec des millions de partenaires humains et non humains, visibles et invisibles, connus et inconnus…

De mon point de vue, l’Amour et la Conscience sont les deux faces d’une même pièce : l’un ne va pas sans l’autre, sur Terre… tout comme puissance et vulnérabilité, joie et compassion, lumière et ombres…

Comment je peux être juste dans mes jugements ?

Il me semble néanmoins plus qu’utile : indispensable, de juger depuis l’expérience, avec du concret, plutôt que depuis la sphère intellectuellement uniquement. Toute opinion qui ne se base pas sur le vécu, sur ce qui a été concrètement senti/traversé, dans l’expérimentation corporelle, manque d’ancrage, flotte dans le monde des pensées et voudrait s’imposer néanmoins aux vivants ; quel orgueil !

Par exemple, juger une pratique comme farfelue ou mauvaise ou « trop chère », avoir de la répulsion pour une pratique que je n’ai pas expérimentée (et qui se ferait avec le consentement éclairé de l’autre si c’est à deux, des autres si ça à plusieurs), ça n’a tout simplement pas de sens en Tantra. En Tantra, il n’y a pas de place pour croire ni se soumettre aveuglément à des lois édictées par les hommes : seules les lois de l’Univers sont fondées et suivies, parce que leur valeur n’est pas relative. Elles ne sont pas sujettes aux pensées et à leurs variations, à leurs fluctuations incessantes ni aux jeux de pouvoir (sur les autres).

Quelque chose peut ne pas me parler (ou bien je peux ne pas l’entendre me parler ou m’y opposer par croyance, pour me protéger… et c’est ok), et en effet je n’ai pas à m’imposer une expérience qui ne m’appelle pas à ce moment de ma vie… mais pourquoi juger et imposer mon jugement aux autres ?

En fait c’est clairement des commentaires obsolètes au sujet de la Méditation Orgasmique qui m’ont donné l’élan pour cet article : un animateur/masseur écrit (non retouché, alors j’y laisse les petites fautes de Français) : « […] S’il est, pour finir, un exemple parmi tant d’autres de se mélange entre sexe et spirituel, je peux parler de la « Méditation orgasmique ». Une association de mots qui en dit long sur la proposition. Société pyramidale ayant générer à sa fondatrice plusieurs milliards de dollars, d’ailleurs en fuite aujourd’hui et qui fait l’objet d’une enquête du FBI.
Méditation et orgasme ou pour 200 euros la journée vous pouviez, Mesdames, vous faire manipuler le côté supérieur gauche du clitoris par le doigt ganté de votre partenaire ou d’un inconnu pendant 15 minutes. Pour avoir tenu ce discours avec des adeptes qui en vantent les bienfaits, criant au scandale devant mon propos, je vous invite à vous faire un avis en regardant si vous le pouvez sur Netflix le reportage fait sur One Taste, la société distributrice de OM dont le titre est « Orgasmique : le business One taste ».
Il est très intéressant d’observer les outils bien rodés de la dérive, tirée en partie de la méthode des scientologues, où l’on découvre avec stupeur, car la pratique a attiré plus de 800 000 adeptes et un nombre incroyable d’enseignants que, Mesdames, entre vos cuisses ne se cache plus seulement ce Graal que tant d’hommes ne savent pas toujours trouver, mais bien un véritable fonds de commerce pour certaines et certains.[…]

Et là je suis agacée : je trouve tellement débile et navrant et déplacé (oui oui je juge et j’assume) de faire des commentaires au sujet d’une pratique à laquelle on n’a pas été initié. Et tellement commode de faire l’amalgame avec la société One Taste qui n’est pas la pratique elle-même, même si c’est bien Nicole Daedone qui l’a décrite. (Ah ces Américains ! Ils ont une construction différente de la nôtre et des façons différentes de voir les choses… est-ce de cela dont il est question ici ?)

Un peu comme font certain.e.s au sujet d’Osho : de vouloir mettre tout son enseignement aux ordures, parce qu’il a été multimillionnaire et a été poursuivi pour violation des lois sur l’immigration. Sans parler de celleux qui lui reprochent ce qu’iels imaginent…

Là c’est le jeu de l’ego qui divise et le règne absolu des croyances : des mensonges en fait.

Et parfois on se construit tellement depuis ces dogmes qu’on fait tout pour ne pas être confronté.e à d’autres aspects de la Vérité, à d’autres réalités, à d’autres points de vue et de construction. Il y a pourtant tellement de choses que l’on croit impossibles et qui existent réellement néanmoins…

Un « bon jugement » prend du temps : il peut avoir une part instinctive, instinctuelle, et souvent déjà là il est coloré par l’état de l’être, son vécu, ses propres souffrances, limites et grandeurs. Selon la structure de la personne, elle peut avoir accès immédiatement à aux savoirs/connaissances nécessaires à établir un bon jugement… mais même dans ce cas, est-ce que ce sera le cas pour tous les jugements ?

Pour d’autres personnes, à d’autres moments, tout un long chemin de libération de leurs contraintes psychiques sera à vivre, pour un jugement propre, lavé des peurs, engrammes, scories, voiles d’inconscient…

Quoiqu’il en soit, il s’agit là toujours de jugement sur l’autre ; et qui sommes-nous pour juger l’autre ?

Et je finis par quelques questions, pistes de réflexion :

Lorsque je juge, quelle part de moi a le pouvoir ?

Lorsque je juge, qu’est-ce que je méjuge en/de moi ?

Lorsque je juge, comment je me sens ?

Et lorsque je suis jugé.e, c’est comment pour moi ?

Est-ce que je juge pour me rendre intéressant.e ? pour avoir une haute opinion de moi-même ? pour ne pas risquer d’être moi-même jugé.e ?

Le jugement, ça me parle avant tout d’ego et de douleur, de sanction et d’exclusion, de croyances aussi.

Juger, ça me parle de paraître bien plus que d’être.

Juger, ça me parle d’agir depuis la peur plutôt que depuis l’Amour.

En fait, ça me parle aussi de l’immense chemin de tous les êtres humains, de tous temps, qui désirent participer à l’élévation de l’humanité, à l’avènement d’une Humanité guidée par l’Amour et la Conscience. Je me relie à cette utopie… et j’observe mes propres jugements avec considération et empathie : d’ailleurs m’appartiennent-ils vraiment ? Comme mes pensées, mes jugements sont aussi les résultats de la fermentation, dans mon ventre, dans ma tête, de nombreuses données bien antérieures à ma naissance et qui font aussi partie des gènes que je transporte, qui me transportent…

Ma seule responsabilité : ce que je crois de mes jugements et ce que je fais de mes jugements.

(Des fois la merde sort par le bas, et des fois elle sort par le haut… Et ça ne s’arrête pas là : la merde est pleine de vie, de potentiel, et de son recyclage naturellement intelligent, par le Vivant, peuvent émerger de bien belles et puissantes choses… telle la fleur de lotus… et aussi tout le Vivant dont nous avons besoin pour vivre et grandir et nous reproduire… Oui : la merde est à recycler !… et le recyclage passe par la destruction de ce qui n’est plus d’actualité.)

Tendresse à toustes <3 … même à celleux qui me font bosser 😉

Namasté

Nelly

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